le vol
But
Charles Nungesser et François Coli ne s’étaient pas inscrits au prix Orteig, instauré par Raymond Orteig, auquel il fallait s’enregistrer en faisant connaître sa date de vol deux mois avant le départ programmé.
La raison en était vraisemblablement de ne pas alerter leurs concurrents étasuniens qui se préparaient activement sur le champ d’aviation de Roosevelt Field, près de New York, dans la crainte que l’annonce de leur départ imminent incite les aviateurs nord-américains à accélérer leurs préparatifs et à éventuellement les devancer.
Le vol était organisé par le comité Paris – New York.
Record en jeu
Malgré leur non-inscription au prix Orteig, leur plan de vol marquait la première traversée aérienne est – ouest de l’Atlantique Nord.
L’objectif annoncé officiellement à la commission sportive de l’Aéro-Club de France était d'établir un nouveau record de distance en vol.
Le record de distance était alors détenu par les aviateurs français Dieudonné Costes et Georges Rignot en 1926 : trajet Paris – Djask (Jask en Iran) sans escale = 5400 km en 32 heures de vol (vitesse moyenne : 168,7 km/h).
L’expression « traversée de l'Atlantique » ne figurait pas dans la déclaration publique de Nungesser et Coli, mais leur projet était connu de tous.
Bien que les vents dominants sur le parcours soufflent d'ouest en est et favorisent une traversée de New York vers Paris, Nungesser et Coli organisèrent leur traversée au départ de Paris, pour des raisons évidemment politiques.
De plus, Coli insistait sur le fait que la traversée est – ouest offrait l’avantage de retrouver la terre ferme 2000 km avant la fin du raid, alors que dans l’autre sens on ne la rencontrait qu’à la toute fin du parcours.
Trajet prévu
Plusieurs routes furent envisagées par le navigateur François Coli au cours des deux mois de préparation précédant le raid.
Il travailla tout l'hiver 1926 – 1927 sur les évolutions météorologiques, qui lui permirent d'envisager un départ au mois de mai, qui réunissait les meilleures conditions pour un survol de l'Atlantique.
Trois routes étaient envisagées : la plus au nord, que nous nommerons route 1, rejoint Belle-Isle.
La route plus au sud, route 2, traverse l'île de Terre-Neuve dans la Région Ouest. Et la route la plus au sud, route 3, atteint l'île de Terre-Neuve sur la pointe nord de la Région Est.
A partir de ce point de la route 3, deux variantes se présentent : le trajet suit la voie orthodromique jusqu'à la frontière entre la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick (Canada), ou sinon, le trajet travers la Région Est de Terre-Neuve, puis passe par Saint-Pierre-et-Miquelon avant de rejoindre New York par la voie orthodromique.
Le 4 mai, la route retenue correspond à la route 1. Elle coïncidait avec la route des paquebots des compagnies anglaises se rendant au Canada, correspondant à l’arc du grand cercle de Fastnet : arc de grand cercle reliant la République d'Irlande à Belle-Isle.
Le plan était de suivre la route orthodromique, qui consistait à naviguer au nord-ouest en survolant la Manche, le sud-ouest de l'Angleterre, l'Irlande et l'océan Atlantique avant de glisser au sud-ouest vers Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et enfin la côte est des États-Unis.
La vitesse estimée était une vitesse de croisière de 160 à 175 km/h ou même 180 km/h.
Une variante de la première partie du trajet était prévue si l'avion pouvait gagner assez d'altitude, à savoir une route orthodromique côte française - côte ouest de l'Irlande.
Selon ces plans de vol, l'
Oiseau blanc devait aborder le continent américain le 9 mai vers 5h UT (UT = Universal Time = GMT = ZULU = UTC actuelle) au niveau de Belle-Isle.
Le retour sur la terre ferme se ferait ainsi 2000 km avant la fin du périple. Coli misait sur un guidage nocturne par les trois phares de Belle-Isle. L'avion devait ensuite piquer sur le golfe de Saint-Laurent puis la côte est des Etats-Unis.
L'arrivée prévue à New York était un amerrissage devant la statue de la Liberté vers 16h UT (où l'avion devait être remorqué à quai jusqu’à une grue).
Le plan de vol définitif ne fut établi par Coli qu’à la veille du départ, au vu des renseignements météorologiques de 22h (heure locale) : vents d’est exceptionnellement favorables durant les 2000 premiers kilomètres, puis vent contraire au milieu de l’Atlantique et tempête sévissant sur la côte de Terre-Neuve.
La route définitive fut confirmée le 8 mai à 3h35 (heure locale). Elle devait survoler Dieppe (côte française), suivre un tracé orthodromique jusqu'à Pembroke (Angleterre), passer par Cork (Irlande), suivre un trajet orthodromique jusqu'au 55°N 20°W, et à partir de là suivre la route initiale prévue (route 1) pour rejoindre Belle-Isle et finalement New York.
Vol effectué
L'
Oiseau blanc décolla de l'aéroport du Bourget le 8 mai à 4h21 UT sous une pluie fine. 900 mètres de piste et 46 secondes furent nécessaires pour qu'il quitte le sol, à 135 km/h.
Peu après, entre Gonesse et Ecouen, à 150 m d’altitude, le train d'atterrissage de 123 kg fut largué.
Après leur décollage, les aviateurs furent escortés par quatre avions.
L’
Oiseau blanc longea d'abord comme prévu la vallée de la Seine jusqu’à Elbeuf, mais il dut ensuite piquer au nord vers Rouen pour éviter les averses avant de corriger son cap en direction nord-ouest.
Selon le témoignage de l'escorte, Nungesser et Coli ont survolé successivement Enghien, Montmorency, Pontoise, Meulan, Mantes-la-Jolie, Vernon, Elbeuf, Rouen, Duclair, Caudebec-en-Caux, Bolbec et parvinrent à Etretat à 5h48 UT après une heure et demi de vol et un vent faible durant tout le trajet.
A la hauteur d’Etretat, l'escorte quitta l'
Oiseau blanc alors qu'il s’engageait sur la Manche dans une brume compacte, volant au raz des flots.
C'est la dernière fois que l'appareil fut aperçu avec une certitude absolue.
Témoignages du vol d'un avion
en Europe
Il n'existe qu'un seul témoignage, attestant de façon quasi certaine le franchissement de la Manche par l'
Oiseau blanc.
Il a été rapporté dans la presse le 13 mai, reproduisant un document officiel. Tôt le matin le commandant du sous-marin britannique H.50 (route Tamise – Portland), alors en surface, aperçut un avion de couleur claire avec des marques bleu, blanc et rouge sur la queue. Sa description de l'avion peut tout à fait se rapporter à l'
Oiseau blanc et il est très vraisemblable que les deux engins se soient croisés à 6h45 UT à environ 37 km au sud-ouest des Needles (île de Whight).
Ensuite, des témoignages du vol d’un avion pouvant correspondre à l’
Oiseau blanc sont signalés au-dessus de l'Angleterre à Rodwell, entre Topsham et Exeter, près d’Exeter, entre Alphington et Ide, à Okehampton, Woolsery et Hartland.
Le recoupage des témoignages indique que l'
Oiseau blanc a traversé le sud de l'Angleterre en moins d'une heure, à la vitesse de croisière de 180 km/h, quittant la côte est du Devon à 7h50 UT.
Puis, plusieurs témoignages placent l’
Oiseau blanc au-dessus de la République d’Irlande : à Dungarvan, Cappoquin, Glin, Kilrush et Carrigaholt. Mais les heures indiquées de passage posent problème.
Malgré cela, il semble bien que l’
Oiseau blanc a traversé l'Irlande entre 9h10 et 10h00 UT et a quitté l'île à l’embouchure du fleuve Shannon, faisant cap 55°N 20°W, comme initialement prévu (route magnétique 300°).
Outre-Atlantique
L'hypothétique traversée de l'Atlantique Nord par l'
Oiseau blanc repose sur un certain nombre de témoignages, visuels et auditifs, en provenance de plusieurs lieux : au Québec (Canada), dans le Maine (Etats-Unis), à l'île de Terre-Neuve (Canada) et à l'île Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité française d'outre-mer).
La plupart d'entre eux font état du vol d'un avion dans la matinée ou la journée du 9 mai 1927 et ils ont été rapportés dans la presse dans les jours qui ont suivi (Québec ; Terre-Neuve).
De plus, deux témoignages ont été révélés publiquement, et de façon indirecte, plus de cinquante ans après les événements, au début des années 1980.
La longue liste des témoignages, basée sur les dépouillements d'articles de presse, de communiqués officiels, de rapports d'archive, d'enquêtes sur le terrain et d'ouvrages de différents chercheurs, à différentes époques n'est en aucun cas exhaustive.
Certains témoignages continuent à être colportés dans des parutions plus ou moins récents alors que des journaux locaux d'époque avaient fini par les infirmer.
De surcroît, en considérant les heures de passages mentionnées dans les témoignages, il est strictement impossible que l'avion en question, s'il s'agit du même appareil, ait pu survolé l'ensemble des régions concernées ce jour-là.
Il s'agira donc de discriminer parmi les indices à disposition les routes possiblement suivies par l'
Oiseau blanc au-dessus de l'Atlantique pour construire des scénarios de vol cohérents.